"Le sens de la réalisation collective, essence même de l’art, se révèle dans le triple aspect de la capoeira, qui est une fusion de trois arts : musique, poésie et chorégraphie…. Le rituel et la tradition à laquelle obéissent les participants de la capoeira sont très rigides. Le maître est le connaisseur de la tradition.. Il est donc aussi l’autorité maximale. Il surveille la réunion, il détermine la musique, le fonctionnement, il coupe ou indique les chants ou définit la personne qui les fait."
"Quand nous sommes arrivés au terreiro, la capoeira avait déjà débuté. Deux danseurs se déplaçaient près du sol, pendant que deux berimbaus et trois pandeiros accompagnaient avec d’étranges rythmes et sons cette danse magnifique et enchanteresse, de personnes combatives et fortes. Les danseurs du moment étaient un livreur du marché de Agua dos Meninos, et un ouvrier de la construction civile. L’ouvrier était habillé tout en blanc, les chaussures rutilantes et la chemise brillante. Il était l’un des meilleurs danseurs. Il est habituel pour la fine-fleur de la capoeira de danser ainsi, « de ponto branco » comme on dit communément, afin de démontrer leur maîtrise. Ils atteignent l’apothéose en dansant avec leurs chapeaux, et ces professionnels se vantent de sortir de la danse sans une seule tâche de terre sur leurs vêtements, propres et bien soignés comme s’ils n’étaient pas encore entrés en fonction."
"La danse de la capoeira est la représentation symbolique d’anciennes et authentiques luttes. Dans la Capoeira d’Angola, les danseurs voltigent au ras du sol, réalisant des parades de bras, en position horizontal, tournant et glissant comme des anguilles et en s’échappant par –dessous le corps de l’adversaire.Les coups sont constatés par des mesures et par les exclamations des spectateurs. D’ailleurs, sans la précision nécessaire aux mouvement, beaucoup des coups seraient mortels. C’est le cas des célèbres coups de têtes assenés dans la poitrine et dont l’impulsion n’est interrompue qu’au tout dernier moment, quand la tête de l‘un des danseurs effleure le corps de l’autre. La violence latente n’est jamais libérée et cette extraordinaire domination des passions maintient l’assistance dans une incroyable tension nerveuse, absorbant tout le monde dans une espèce d’hypnose collectif presque indescriptible.
Seuls ceux qui ont assisté à une démonstration de Capoeira d’Angola peuvent comprendre la monstrueuse force et le contrôle exigés pour réaliser chacun de ces mouvements, sans que n’ait lieu quelconque agression, sans que ne se perde l’élégance et la grâce féline de chaque geste, absolument mesuré, calculé par une espèce d’instinct, alors que les mouvements employés se trouvent entièrement confiés à cet art apparemment tellement impulsif et spontané."
"Malgré la violence latente, l’hostilité ne survient jamais. Il y a au milieu de tout cela une immense fraternité et de la joie. Se succèdent les passes spirituelles de danseurs joueurs et souriants, qui réalisent des pas et des coups difficiles et extrêmement dangereux. Et entre les spectateurs éclatent des rires sonores… Je n’ai jamais vu dans les compagnies de danse, nationales ou étrangères, tant de beauté enchanteresse, alliée à une telle rapidité, précision et force réprimée, dominée entièrement par la discipline et la lucidité."
"Les solistes se relayaient, donnant à la mélodie la caractéristique propre de leur tempérament humain. Certaines étaient plus vives, plus spirituelles, alors que d’autres étaient rêveuses, simples. Mais tous les textes profondément poétiques. Je me rappelle bien d’une voix qui s’éleva pour chanter la beauté des barques aux voiles enflées, louant la mer généreuse et le vent qui les conduit. Il décrivit le vent accumuler les nuages pour ensuite les dissoudre en petites gouttes de pluie, sur la blanche voile des embarcations qu’il nourrit. C’est la poésie populaire qui était présente dans la splendeur typique de l’art unique qu’est la Capoeira d’Angola. Et à tout cela le chœur continuait à répondre par la bouche de tous les spectateurs et participants : « Eh ! Paraná, eh ! Paraná, camará… », pendant que les danseurs voltigeaient, tournaient, déviaient les corps de la tête, riaient fort, sautaient, élastiques comme des chats."
Texte de CATUNDA Eunice, dans un article intitulé « Capoeira no Terreiro de Mestre Waldemar », publié dans Fundamentos – Revista de Cultura Moderna, en 1952 à São Paulo (extraits).
Traduction: Marreco
Texte original sur http://www.nzinga.org.br/registros1.htm
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